Jusqu’à 10 % des patients qui quittent les centres de soins de Wuhan après avoir été testés négatifs au Covid-19 semblent ensuite être contaminés à nouveau, rapporte le South China Morning Post. Ce n’est pas la première fois qu’il est question de cas de réinfection pour ce virus. Mais pour les scientifiques, l’hypothèse d’un virus capable de frapper deux fois est très peu probable.
À Wuhan, les médecins s’interrogent. Les autorités sanitaires de cette ville, considérée comme l’épicentre de la pandémie de Covid-19, ont constaté plusieurs cas de patients qui avaient quitté l’hôpital sans trace restante du virus dans leur corps et qui ont, ensuite, été testés positifs au coronavirus une seconde fois, rapporte jeudi 26 mars le South China Morning Post.
En tout, il y a jusqu’à 10 % des individus qui semblent avoir été “réinfectés”, ont fait savoir un hôpital et plusieurs centres de quarantaine de Wuhan, où après de long mois de confinement la vie reprend lentement son cours. L’hôpital Tongji – où avaient été détectés les premiers cas de Covid-19 –, a annoncé que sur 147 patients qui sont retournés chez eux en une semaine, cinq ont ensuite été de nouveau testés positifs (3 %). La proportion est plus importante dans les centres de mise en quarantaine, oscillant entre 5 % et 10 %.
Un virus qui défie les lois de la virologie ?
Ce n’est pas la première fois que le Covid-19 semble frapper deux fois une même personne. Fin février, une femme de quarante ans a été testée positive dix jours après avoir quitté un centre de soins à Osaka (Japon), apparemment “guérie”. À la même période, un Chinois de la province de Jiangsu avait officiellement vaincu le coronavirus avant d’être admis à nouveau à l’hôpital trois jours plus tard, “de nouveau” contaminé.
Cette multiplication des cas potentiels de “réinfection” laisse les scientifiques perplexes. Le Covid-19 se comporterait différemment de ses aînés, le Sras de 2002 et le Mers-Cov, le coronavirus qui a sévit au Moyen-Orient en 2014. Ces deux virus n’ont jamais contaminé deux fois la même personne. En fait, cette capacité défierait les lois de la virologie et poserait un défi sanitaire majeur.
En effet, “durant une infection virale, l’organisme du patient développe des anticorps très spécifiques au virus rencontré. Et après la guérison, ces cellules de défense ne disparaissent pas. Elles entrent en hibernation, prêtes à se réveiller dès que le même agent pathogène tente à nouveau de contaminer le corps. C’est le principe du système immunitaire qui existe pour tous les virus connus”, explique Robin May, directeur de l’Institut de microbiologie et d’infectiologie de l’université de Birmingham, contacté par France 24.
Les recherches effectuées sur le Covid-19 semblent indiquer que le mécanisme d’immunité fonctionne correctement. “Les données qui nous proviennent de Chine démontrent que les patients contaminés développent bien des anticorps qui, très probablement, jouent leur rôle protecteur”, souligne Olivier Terrier, virologiste au Centre internationale de recherche en infectiologie du CNRS à Lyon, contacté par France 24.
D’un point de vue scientifique, “rien n’indique à ce stade qu’il peut y avoir une réinfection”, estime Robin May. L’une des principales incertitudes qui subsiste concerne le temps durant lequel les anticorps jouent leur rôle de barrière infranchissable. “Généralement, ces cellules protègent pour un laps de temps compris entre quelques semaines et quelques mois et, pour les autres coronavirus connus, cette immunité dure longtemps”, précise Olivier Terrier. Dans les cas rapportés de potentielles deuxièmes contaminations, les individus avaient été testés dans les jours qui ont suivi leur sortie de l’hôpital, ce qui semble exclure la piste d’anticorps devenus inefficaces.
Faux négatifs et problème immunitaire
La raison de cette multiplication des tests positifs après “guérison” serait donc à chercher ailleurs. La principale hypothèse concerne la possibilité de faux négatifs, ce qui “pose la question de la fiabilité des kits de dépistage utilisés à Wuhan”, note le South China Morning Post. Les personnes auraient quitté l’hôpital alors qu’ils étaient encore porteurs du Covid-19. “Il est possible que la charge virale [la concentration de virus dans le corps, NDLR] ait été trop faible pour être détectée et qu’ensuite, pour une raison ou une autre, la maladie a redémarré”, estime Olivier Terrier. “Le fait que ces individus semblent n’avoir contaminé personne d’autre renforce la présomption qu’il leur restait encore un tout petit peu de virus dans le corps”, ajoute Robin May.
L’autre piste tient à d’éventuelles particularités propres à chacun de ces patients. “Ils peuvent avoir des problèmes avec leur système immunitaire qui n’a pas produit les anticorps adéquats”, souligne Olivier Terrier.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le virologue français juge important de procéder à davantage de recherche sur la réponse immunitaire. “On commence seulement à comprendre comment elle fonctionne”, affirme-t-il. Ce travail permettrait d’affiner l’identification des populations à risque qui se défendent mal naturellement contre ce virus. Il pourrait également ouvrir de nouvelles pistes dans la recherche de traitements et de vaccins en analysant la manière dont le corps, confronté au Covid-19, réagit.
En savoir plus sur la réponse immunitaire peut aussi aider si la question de la double contamination revenait par le biais d’une mutation du virus. “Si l’agent pathogène change de telle manière que l’organisme ne le reconnaît plus, il peut contaminer à nouveau un individu déjà exposé à ce coronavirus”, souligne Robin May. C’est ce qui se passe avec la grippe : “Les gens ne peuvent certes pas attraper deux fois la même souche, mais ils sont susceptibles de l’avoir l’année suivante, une fois que le virus a légèrement muté”, résume le chercheur britannique. Les coronavirus sont réputés pour leur tendance à muter, même si pour l’instant celui qui a pris le monde d’assaut n’a pas encore subi de modification.
L’hypothèse d’un même virus qui frappe plusieurs fois la même personne semble, certes, peu probable scientifiquement, mais les histoires de ces individus testés positifs par deux fois restent riches en enseignements. Elles mettent en garde contre une confiance aveugle dans la fiabilité des tests de dépistage et soulignent l’importance d’avoir un suivi des patients qui semblent guéris.
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